mes tresses

 

 

Tresses

 

 

Les tresses de Nicole Dufour ressuscitent dans l’atelier les souvenirs d’une enfance qui transformait trois morceaux de bois et un chiffon en navire amiral d’une flottille imaginaire. Leur présence apaisée semble une invitation au rêve. Frères d’atelier, les fétiches accrochés aux murs, objets vibrants d’un rituel animiste, nous indiquent cependant que cette tranquillité est celle d’une attente vers des existences nouvelles.

Depuis son atelier de Bourgogne, de Pondichéry à Cotonou, les tresses de Nicole Dufour prennent le chemin de ses voyages.

Fruits d’un apparent désœuvrement et d’une technique ancestrale, objets inanimés, Nicole Dufour les propose comme des attributs pouvant être usurpés, manipulés, détournés, exposés.

Ils reçoivent la vie, du paysage où ils sont déposés et des humains auxquels ils sont confiés. Leur puissance suggestive leur permet d’être adoptés partout où ils voyagent, d’être à la fois un viatique et un présent, un instrument et le cœur d’une installation éphémère.

Mise en pelote, la tresse transforme son porteur en Sisyphe. Lancée en l’air, elle révèle l’apesanteur abstraite d’un paysage mural. Enroulée autour de l’homme-esprit, elle offre ses mains en prière au sein d’un arbre en forme de tabernacle. Rideau de lianes, elle se laisse enserrer par les bras du danseur pour mieux dissimuler son regard étonné et amoureux. Floue, elle se fait la compagne discrète de la beauté d’une chevelure. Libérée par le lancer des bras d’un enfant magicien, elle semble danser comme un cobra qui aurait échappé à son charmeur. Tel un bandeau sur les yeux d’un condamné, elle transforme le cri prisonnier en un rire explosif. Posée sur la tête de l’aveugle comme un turban, elle accueille la sagesse de son regard intérieur. Associée au motif d’une fenêtre, elle accomplit un rituel chamanique en enlaçant le corps d’un officiant. Enfin, dans les mains des enfants elle dessine l’espace de leurs échanges ludiques, jeux aériens des libertés juvéniles.

La volonté de Nicole Dufour est de proposer ses œuvres-tresses à l’inconnu, hommes et lieux, d’en attendre les effets, de poser les termes d’une histoire à venir et d’en rendre compte.

Initiatrice de métamorphoses, elle se détache alors de ses créations pour les regarder s’animer, lui échapper au gré de ses rencontres nomades, puis les saisit à nouveau dans l’instantané de la photographie.

Images de la mise en abime des avatars de son auteur, ces photographies ne sont pas celles du carnet de voyage d’une aventurière en mal d’exotisme, mais celle d’une artiste qui capture un moment de la vie de ses créations, de ses créatures. L’aventure est que l’artiste plasticienne soit devenue aussi une artiste-photographe, presque comme un effet second, par un appel intime et conjoint de l’objet créé et de son créateur.

Les tresses de Nicole Dufour agissent ainsi comme des capteurs sensibles de leur environnement. Elles s’animent et, tel un serpent-caméléon, révèlent, partout où elles demeurent, l’espace et le mouvement des énergies qui les traversent.

 

Yves Bescond

20/07/2012